• Toute une vie sexuelle compromise

    Toute une vie sexuelle compromise
    Charles Meunier
    La Presse
    Collaboration spéciale

    Près d'une jeune Québécoise sur quatre éprouverait des douleurs pendant les relations sexuelles. Le chiffre peut surprendre, mais selon une récente recherche menée par le Laboratoire d'étude de la douleur gynécologique de l'UQAM, auprès de plus de 1400 jeunes Québécoises de 12 à 19 ans qui fréquentent des écoles secondaires de la région de Montréal, 14 à 23% d'entre elles disent éprouver des douleurs pendant leurs relations sexuelles.

    Le syndrome de la vestibulodynie (SVD), est l'une des causes les plus fréquentes de douleurs lors des relations sexuelles chez les femmes de moins de 40 ans. Une autre étude épidémiologique, américaine celle-là, estime ce pourcentage à 21% chez les femmes de moins de 30 ans. Ce pourcentage varierait entre 10 à 15% chez les femmes de plus de 30 ans.

    Toutes catégories d'âge confondues, 50% des femmes touchées souffrent de la forme primaire du SVD: la douleur est présente depuis la première relation sexuelle. L'autre moitié est atteinte par la forme secondaire ou acquise: ces femmes ont eu des relations sexuelles non douloureuses avant que le syndrome n'apparaisse à la suite de facteurs aggravants comme des infections vaginales à répétition, des infections urinaires, etc.

    Les femmes avec le SVD ressentent une douleur localisée à l'entrée du vagin (le vestibule vulvaire) lorsqu'elles ont des relations sexuelles ou encore lors de l'insertion d'un tampon hygiénique, d'examens gynécologiques, voire quand elles font de la bicyclette. Chez certaines d'entre elles, la douleur et l'inconfort persistent après les relations sexuelles. Pour diagnostiquer le SVD, le gynécologue applique une pression autour du vestibule vulvaire à l'aide d'un coton-tige. C'est un examen douloureux.

    Les causes de ce syndrome restent nébuleuses. Plusieurs professionnels de la santé sont d'avis que le SVD résulte d'une combinaison de facteurs. Mais les contraceptifs oraux sont montrés du doigt. «L'usage de contraceptifs oraux à un jeune âge et de façon prolongée est un facteur de risque dans l'apparition de la vestibulodynie», explique Sophie Bergeron, professeure agrégée au département de sexologie de l'UQAM et psychologue clinicienne au service de thérapie sexuelle et de couple du Centre universitaire de santé McGill. Prescrits à de nombreuses jeunes femmes avant l'âge de 16 ans, les anovulants fragilisent la muqueuse vaginale. Mais il semble que les causes peuvent varier d'une femme à l'autre. Elles peuvent être physiologiques, musculaires et psychologiques. C'est sans doute ce qui explique la diversité des démarches thérapeutiques.

    Agressions sexuelles et psychologiques
    Comme le fait remarquer Sophie Bergeron, on ne sait pas si les aspects psychologiques du dérèglement en sont la cause ou la conséquence. Il est vrai que beaucoup d'études démontrent que les femmes qui souffrent du SVD ressentent de la détresse psychologique. Elles sont anxieuses et déprimées. Mais ces recherches ne permettent pas d'établir de relations de cause à effet. «De notre étude auprès des jeunes Québécoises, deux facteurs psychologiques sont ressortis. D'une part, les jeunes filles qui ressentent de la douleur souffrent d'anxiété et, d'autre part, plusieurs d'entre elles ont été victimes d'agressions sexuelles et psychologiques.» Un épidémiologiste de Harvard a mené le même genre d'étude et il en vient à la même conclusion. Les femmes qui ont été victimes de violences sexuelles sont plus à risque en ce qui a trait aux douleurs vaginales, dont la vestibulodynie.

    L'anxiété pourrait-elle avoir été générée par la peur d'une relation sexuelle? On ne le sait pas avec certitude. D'un côté, l'anxiété peut être un facteur prédisposant. De l'autre, ressentir de la douleur durant une relation sexuelle génère de l'anxiété. «Surtout, comme le souligne Sophie Bergeron, lorsque l'anxiété provient d'une partie du corps encore taboue. Il est plus difficile de parler du SVD à son médecin que d'un mal de tête.»

    À ce propos, la chercheuse note que même si leur nombre a diminué, bon nombre de médecins généralistes ne seraient toujours pas au fait de ce dérèglement. «Nos études démontrent que les femmes doivent consulter de quatre à cinq médecins avant d'être dirigées vers un spécialiste, signale Mme Bergeron. Elles se font dire: «On ne trouve rien. Le problème est dans votre tête.» Sans oublier qu'il est difficile d'obtenir un rendez-vous auprès d'un gynécologue. Inutile de dire que ce parcours de la combattante augmente le niveau d'anxiété.»

    Dans le traitement du SVD, Sophie Bergeron favorise une démarche multidisciplinaire, qui met à profit l'expertise des gynécologues, des psychologues et des physiothérapeutes (voir autre texte en page 2).

    Le Laboratoire d'étude de la douleur gynécologique de l'UQAM est à la recherche de couples dont la femme souffre de vestibulodynie. On peut téléphoner au 514-987-3000 poste 2102.

    Des produits inefficacesDans l'arsenal thérapeutique destiné à soulager le SVD, on retrouve, entre autres, des antidépresseurs, des gels à base de lidocaïne et des crèmes à base de stéroïdes. Ces corticostéroïdes topiques, selon une étude menée par Sophie Bergeron et qui sera publiée sous peu, seraient inefficaces. Néanmoins, ils continuent d'être prescrits par des médecins et des gynécologues qui ne sont pas au fait de cette étude. «La psychothérapie fonctionne nettement mieux», conclut Sophie Bergeron.

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